3 questions à Julien Hans, Directeur Energie-Environnement du CSTB

 

Établissement public au service de l’innovation, le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment s’investit pleinement pour répondre aux enjeux des transitions énergétiques et numériques dans le monde de la construction. La recherche et l’expertise, l’évaluation, les essais, la certification ou encore la diffusion des connaissances : son champ de compétences couvre les produits de construction, les bâtiments et leur intégration au cœur des territoires.
Avec plus de 900 collaborateurs, ses filiales et ses réseaux de partenaires nationaux, européens et internationaux, le groupe CSTB est au service de l’ensemble des acteurs de la construction pour faire progresser la qualité et la sécurité des bâtiments.
Membre de PEP ecopassport, le CSTB mène un travail de fond sur l’écoconstruction à travers des projets pensés dans leur globalité. Rencontre avec Julien Hans, Directeur Energie-Environnement du CSTB.

 

Le CSTB est précurseur en matière de déclaration environnementale : que représente aujourd’hui le programme PEP Ecopassport pour votre établissement et quelles sont vos attentes ?

Effectivement, nous avons participé à la création de la base INIES, « grande sœur » du programme PEP ecopassport il y a plus de 15 ans. Nous y avons enregistré la première fiche de déclaration environnementale et sanitaire. Nous savons donc l’enjeu que représente la mobilisation de l’ensemble des industriels pour mettre à disposition ce type de données. Bien sûr, il est important de réaliser des ouvrages qualitatifs mais aussi de s’engager dans une politique environnementale qui a du sens, avec des solutions technologiques de plus en plus abouties. Notre participation à PEP ecopassort vise à les accompagner dans la fabrication et l’utilisation de ces données pour réaliser des analyses de cycle de vie du bâtiment. Les équipements sont plus que partie prenante dans l’équation des bonnes performances environnementales des ouvrages.
L’objectif est donc d’avoir le plus de données, les plus précises et fiables possibles, et ce de tous les industriels du secteur. Chaque industriel pourra ainsi fournir des solutions de plus en plus vertueuses. Nous sommes sur la bonne voie. L’enjeu est de les accompagner dans l’étape de déclaration de ces données. C’est l’évidence de demain : personne n’envisagerait de construire un bâtiment sans en connaître les propriétés techniques : acoustiques, thermiques, mécaniques des éléments d’enveloppe ou des équipements… Aujourd’hui, les propriétés environnementales ont ce même niveau d’importance. Les acteurs de la construction, les usagers, tous veulent savoir comment sont faits les produits et quel est l’impact de leur construction sur l’environnement. C’est une donnée essentielle dans la conception d’un ouvrage.

Pouvez-vous nous parler de votre Laboratoire des performances environnementales ?

Le Laboratoire des performances environnementales du CSTB réunit notamment 4 experts habilités à la vérification des DE et FDES des matériaux et produits de construction. Concrètement, nous accompagnons les industriels à la réalisation de leurs fiches de déclaration environnementale et à la vérification de leurs FDES ou PEPs. Dans certains cas, nous réalisons aussi des configurateurs qui peuvent être utiles pour les industriels afin d’établir leurs PEPs plus rapidement. Au lieu de produire 1 ou 2 PEP pour une gamme donnée, ils peuvent réaliser les PEPs spécifiques à chaque produit d’une gamme à coût maitrisé. Ils peuvent également changer de gamme ou faire évoluer leurs systèmes sans avoir à recommencer de zéro. Il y a aussi évidemment des configurateurs pour les clients de ces systèmes : quand vous devez fournir un système électrique complet pour un bâtiment, il est plus utile de fournir, par exemple, la fiche de déclaration environnementale « dynamique » qui peut s’adapter par exemple aux longueurs de gaines installées et utilisées dans le dit bâtiment. Ces configurateurs permettent à l’utilisateur de dire : « Pour mon projet, je peux aller plus vite. J’ai pu configurer tout de suite la solution que j’étais en train de déployer et mes calculs se sont faits automatiquement ». Ce laboratoire est hébergé dans notre division environnement et est au service direct des industriels pour les aider dans leurs démarches.

Quelles sont vos ambitions pour le secteur dans ce domaine d’ici 5 ans ?

Un premier sujet reposerait sur la garantie de performance énergétique des ouvrages. Ils sont aujourd’hui très performants, certes, mais l’enjeu est de garantir que ces performances sont réellement assurées par le bâtiment en service. On sait que les bâtiments ne se comportent pas exactement comme imaginés lors de leur conception. A l’avenir, l’un des objectifs serait donc de faire des bâtiments dont on mesure et garantit la performance réelle.
Faire des bâtiments performants énergétiquement c’est aussi contribuer à celles des ilots, des quartiers, des territoires. Par exemple mieux gérer l’autoconsommation collective, la flexibilité : ce sont des tendances qui nous paraissent évidentes et à développer.
Grâce à la RE 2020, nous allons pouvoir avoir une visibilité réelle sur les émissions de gaz à effet de serre et l’impact de nos ouvrages sur le réchauffement climatique. Aujourd’hui, les acteurs ont encore peu d’ordre de grandeur pour les guider : autour d’une tonne au mètre carré pour un bâtiment, pour la partie construite et pour la partie exploitée. Comment peut-on progresser et s’inscrire dans la trajectoire de neutralité carbone ? Comment réaliser des bâtiments qui émettent de moins en moins de gaz à effet de serre ? C’est un enjeu majeur pour 2025 compte tenu des trajectoires que l’on souhaite obtenir pour limiter le réchauffement climatique !
Un autre point concerne l’économie circulaire. Nous sommes convaincus qu’avec l’avènement de l’analyse du cycle de vie utilisée pour les calculs carbone, nous obtenons énormément de données très utiles. Les bâtiments réutiliseront beaucoup mieux les matières renouvelables disponibles, intègreront le réemploi, des produits recyclés… Ils gèreront mieux le recyclage, et permettront aussi de concevoir des ouvrages qui, demain, seront eux-mêmes plus faciles à réutiliser. Ce qui, in fine, limitera les déchets et l’utilisation de matières premières !
Le dernier angle d’attaque c’est évidemment de faire tout cela en continuant de progresser sur des bâtiments qui apportent une bonne qualité d’ambiance, de qualité d’air, d’éclairage, d’acoustique et de bien-être, tout simplement. Il faudra aussi limiter notre impact sur la biodiversité, l’ambition est finalement de réussir les enjeux environnementaux en réussissant les enjeux sociétaux.
Pour y arriver il faudra travailler collectivement, et l’unité, qu’elle soit européenne ou nationale, commence autour de méthodes qui sont partagées, acceptées, reconnues par tous comme étant les bonnes. Cela implique aussi de la souplesse pour que tous puissent se les approprier, par exemple qu’un territoire puisse faire différemment d’un autre, en valorisant une filière particulière en fonction des ressources dont il dispose. Il en est de même pour le confort en été, bien souvent propre à une situation géographique. Les initiatives locales et internationales se doivent d’être dans une forme de convergence quant aux manières d’évaluer nos progrès. Il est peut-être parfois un peu dommage que chacun ait sa propre calculatrice.         
La réussite de la plupart de ces sujets se fera en gardant en tête que beaucoup de gains et de leviers pourront être actionnés à une échelle supérieure de celle du bâtiment. Prenons pour exemple la mutualisation des surfaces : beaucoup d’objets urbains sont utilisés de manière très partielle. Les parkings d’habitation sont souvent vides en journée. Parallèlement, ceux des bureaux sont pleins. Construire une place de parking en infrastructure, c’est un enjeu énorme en termes de gaz à effet de serre.
Ne négligeons pas l’ensemble des choses qui devront être traitées à l’échelle urbaine. Réaliser de bons bâtiments sera un prérequis, mais ce ne sera pas suffisant. Ce n’est pas en faisant uniquement la somme de bons produits que l’on fait de bons bâtiments. Il en est de même à l’échelle urbaine : il ne faudra pas ignorer cette réflexion d’intégration globale.